LEONOR FINI
Autoportrait de l’artiste (huile sur toile) 1941
« Ma peinture suit les chemins que prennent les rêves »
« Les tableaux s’expliquent d’eux mêmes. Ils proposent un monde où l’on n’a qu’à se plonger » (Leonor Fini)
Villevaudé
Au 97 Grande Rue, une plaque de cuivre marque l’emplacement de la demeure
où elle vécut
Biographie
Leonor Fini est née à Buenos Aires, le 30 août 1908 d’Herminio Fini, propriétaire argentin et de Malvina Braun, triestrienne.
Ses parents divorcent, elle a alors un an.
Elle passe son enfance et son adolescence à Trieste auprès de sa mère et de sa famille maternelle dans un milieu bourgeois très cultivé. Sa vie est paisible jusqu’au jour où son père profitant d’un voyage en Italie tente de la kidnapper pour la ramener avec lui.
Sa mère la déguise en garçon chaque fois qu’elles doivent sortir de la maison. Le père finit par abandonner et repart en Argentine. Elles ne le reverront plus.
A l’âge de 10 ans, Leonor Fini souffre d’une maladie des yeux qui l’oblige à porter des bandages ; c’est dans ce monde de l’obscurité où elle est plongée qu’elle développe sa vision intérieure en visualisant des images fantastiques.
Elle se rétablie et c’est alors qu’elle décide de devenir une « Artiste ».
Avec passion et détermination, elle délaisse tous les loisirs de son âge pour visiter les musées, se plonger dans l’immense collection de livres d’art de son oncle et étudier les Maîtres de la Renaissance, le Maniérisme, le Romantisme et les Pré-Raphaélites.
Leonor Fini expose pour la première fois à Trieste, dans une exposition collective, à l’âge de 17 ans. Cela lui vaut sa première commande : un portrait de la nombreuse famille d’un ministre milanais.
En 1931, Leonor quitte sa famille et s’établit à Paris.
Sans jamais vraiment faire partie du groupe surréaliste, elle se lie d’amitié avec Paul Eluard, Max Ernst, Georges Bataille. Elle n’a jamais fréquenté d’école de Beaux-Arts.
Totalement autodidacte, l’évolution de sa peinture est marquée surtout par ses attirances artistiques et son « Musée Imaginaire ». Elle a un style très personnel, narratif, emprunt d’une étrangeté fascinante, influencé par l’abstrait mais toujours figuratif, et y restera fidèle jusqu’à la de fin de sa vie.
Elle se consacre aux, portraits peignant notamment Jean Genet et jacques Audiberti.
Tout en refusant de faire partie du mouvement surréaliste, qui a l’époque était jugé trop libertin et amoral, elle participe en 1936 à l’exposition surréaliste de Londres.
En1942, elle fait la connaissance de Stanislao Lepri, consul d’Italie à Monaco, qu’elle encourage à peindre. Puis, en 1951, elle rencontre l’écrivain polonais Constantin Jelenski, dit « Kot » de 14 ans son cadet, avec qui elle partagera désormais sa vie.
Leonor adorait Jelenski mais celui-ci était épris de Stanislao Lepri. Ils vécurent une relation à trois jusqu’à la fin de leurs vies.
Dans les années d’après-guerre, Leonor Fini « entre en scène », elle crée des décors, des masques, des costumes de théâtre, de cinéma, de ballets et d’opéras.
C’est en particulier pendant cette période qu’elle habite Villevaudé
Passionnée de littérature, elle illustre de nombreux ouvrages tels que Histoire d’O de Pauline Réage ou des éditions de Beaudelaire, Verlaine, Sade ,Balzac, Edgar Poe ou de Marcel Aymé.
Histoire d’eau de Catherine Réage histoires extraordinaires d’Edgar Poe
1962 1953
Dans les années 50, Leonor Fini, bien qu’elle peigne tous les jours, ne peint jamais plus de dix toiles par an, du fait des exigences techniques de son travail, moins encore s’il s’agit de portraits.
Elle abandonne d’ailleurs peu à peu les portraits et son intense activité picturale va se diviser en plusieurs périodes :
· « les gardiennes » et « l’époque minérale » (1950-1960) ;
La vie idéale vue par Leonor Fini
Huile sur toile de 1950
L’artiste se représente entourée de ses chats qui feront partie de l’univers qui la fascine et l’entoure au quotidien.
Autrefois, la femme et le fauve se rencontraient dans la nature la femme était sphinx ou oiseau maintenant chacun est différencié et domestiqué. Mais, parfois, une nouvelle transformation se produit. Un glissement plus perfide que le premier avec nonchalance, sournoisement, les mutantes, fausses petites filles, sont en train de s’accomplir comme chattes, mine de rien. C’est un jeu d’enfants.
· « les grands chapeaux de clarté », « la série des trains », « les belles dames sans merci » (1960-1970) ;
· les « jeux de vertige », « les cérémonies » (1970-1980) ;
· la période « nocturne », « les fables », les « passagers » et les « somnambules »( 1980-1995).
Quand Leonor Fini arrive au terme d’une série, elle cesse de peindre et passe au dessin, fabrique des objets ou écrit. Elle vit entourée de chats, une douzaine de chats en liberté qu’elle transporte en voiture américaine dans sa maison des bords de Loire, ou bien dans sa retraite en Corse, un vieux monastère en ruines.
Constantin Jelenski leonor Fini Sergio
Gravure érotique autoportrait
De nombreux écrivains et peintres lui ont consacré des monographies, des essais ou des poèmes comme Jean Cocteau qui résumait le personnage et son œuvre, ainsi : « Tout ce surnaturel lui est naturel. On ne saurait imaginer d’autres acteurs, ni d’autres décors, que ceux qu’elle tire du théâtre de son âme ». L’écrivain Pieyre de Mandiargues écrit : « l’art de Leonor Fini impose une nature mystérieuse qui conduit à la beauté même ».
Comment se crée un de ses tableaux ? d’où vient-il ?Elle ne le sait pas, mais elle a une façon de le reconnaître qui nous en apprend plus sur la création que toutes les théories préfabriquées.
« Parfois, je ne sais pas quel chemin a pris l’idée d’une toile. Ce sont de lointaines et ignorées associations, filtrées, transformées. Parfois le tableau devient, en cours de route. Les thèmes, les motifs savent s’imposer… »
« A l’origine, je sais les couleurs dont j’ai envie, la composition. Je ne propose pas des énigmes, ni des allégories, ni des symboles » (Leonor Fini)
Féministe, Leonor Fini se découvre dans ses toiles et dans son travail de décoratrice. Elle offre une vue féminine du corps féminin. Des sorcières, des chimères, des femmes-fées ou femmes-racines se retrouvent dans ses œuvres. Toujours beaucoup de visages.
Héliodora
Huile sur toile 1964
Une grande femme nue dans toute sa splendeur, Héliodora, introduit une nouvelle hybridité, celle de l’humain et du monstre.
Elle seule, en effet est achevée. Les deux autres personnages sont des formes fantomatiques, informelles, ab-humaines. Dans le luxueux rougeoiement des tissus et des fleurs, ils saluent l’entrée de la femme, régnante : on attend plus qu’elle pour la fête…
Constantin Jelenski écrit dans son livre cette anecdote : quand Leonor Fini décida de planter des fleurs devant son monastère en ruines en Corse (Nonza), où pendant des années le vert des veines d’amazonite qui strient les pierres était, avec le bleu de la mer, la seule note de couleur dans un paysage austère de « haut soleil ».
Ce fut sur la grande plateforme qui domine la mer, un foisonnement vraiment inattendu et l’Héliodora du tableau que Leonor peignait en invoquant le retour du grand chat persan blanc disparu dans le maquis, Héliodora (il est revenu le jour où le tableau était terminé) rentrait dans la sombre pièce voutée les bras chargés d’énormes bouquets.
Le monastère de NONZA en Corse – Cap Corse
Témoignage :
Adèle Paoli
Adolescente, je me souviens l'avoir vue, du haut du sentier, se baigner nue, enveloppée de longs voiles et entourée de sublimes jeunes éphèbes. C'était dans les eaux vertes du couvent de Nonza, à quatre lieues de mon village du Cap. Là, chaque jour, une paysanne descendait jusqu'à elle à dos d'âne, paniers emplis de provisions. Sa présence continue d'habiter le village. Et elle le génie du lieu.
Ceux de mes proches et de mes amis qui l'ont connue aimaient cette dame mystérieuse et si extravagante. Je ne l'ai jamais vraiment rencontrée, je ne sais trop pourquoi, mais je l'ai toujours aimée et admirée, à la fois comme femme et comme peintre : une de ses lithos originales a d'ailleurs longtemps hanté ma maison de Picardie.
Amicizia da Capicorsu
Leonor Fini en Corse en 1966
(Voir le témoignage ci dessus)
Aujourd’hui, aux quatre coins de la planète, on connait Leonor Fini. Ses tableaux se trouvent dans les musées d’art moderne de Paris, Grenoble, Genève, Milan, Rome, Bruxelles, Trieste, Lodz en Pologne et à Venise. Au japon, par exemple, ses œuvres ont orné les murs de quatre musées de juin à décembre 2005.
Elle repose à Saint Dyé-sur-Loire, en Touraine, propriété qu’elle avait acquise en 1972 et où elle passait chaque année de longs mois, entourée de ses amis et de ses chats.
Sources :
-Galerie MINSKY
-Encyclopédie UNIVERSALIS
-Sites Internet sur Léonor FINI.
-Leonor Fini Par Xavière Gauthier
-Leonor Fini par Constantin Jelenski
-Témoignages reçus